Panzi | Soutien aux femmes congolaises et aux survivantes de violences sexuelles

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31 décembre 2024

Au cours des trois dernières décennies, le peuple congolais a enduré une violence et une instabilité chroniques qui ont conduit à une tragédie profonde et à des souffrances qui dépassent l'entendement.

La République démocratique du Congo (RDC) a été victime de guerres d'agression répétées et de violations systématiques du droit international humanitaire et des droits de l'homme, ce qui a donné lieu au conflit le plus meurtrier depuis la Seconde Guerre mondiale et à l'une des crises humanitaires et de déplacement les plus graves des temps modernes, avec un quart de la population confrontée à la faim et plus de 7 millions de personnes déplacées à l'intérieur du pays, dont la majorité sont des femmes et des enfants.

L'économie politique de la guerre est profondément liée à l'exploitation illégale et à la contrebande des ressources naturelles congolaises par les pays voisins, ainsi qu'aux bandes criminelles qui déstabilisent les provinces de l'est et du nord-est du pays en tant que "mandataires" de certaines grandes puissances et de diverses multinationales.

Les accords de paix et les différentes tentatives de solutions politiques, de Lusaka à Sun City en passant par Goma, ont systématiquement sacrifié la justice sur l'autel de la paix. Ils ont prolongé et aggravé l'instabilité en intégrant des éléments de groupes armés congolais et étrangers dans les forces de sécurité et de défense nationales. En outre, ces politiques ont non seulement permis aux ennemis de la paix d'infiltrer nos institutions, mais elles ont également ancré l'indiscipline dans l'armée et la police, et légitimé la violence armée en accordant des amnisties et même des promotions à ceux qui devraient répondre de leurs crimes devant la justice nationale et internationale.

Dans ce contexte, le conflit armé n'a jamais cessé et plus de 100 groupes armés nationaux et étrangers continuent d'opérer en toute impunité, alimentant la répétition d'atrocités de masse, tandis que les autorités de la RDC n'ont pas réussi à établir l'autorité de l'État sur une grande partie de son territoire.

La dégradation de la situation sécuritaire et l'aggravation de la crise humanitaire depuis 2021 suite à la résurgence du groupe armé M23 soutenu par le Rwanda et l'Ouganda constituent une menace existentielle pour la RDC, alors que de larges pans du Nord-Kivu sont administrés par des forces d'occupation. Elle risque également de provoquer une conflagration dans la sous-région des Grands Lacs africains. Elle menace la paix et la sécurité régionales et internationales à un moment où la MONUSCO a commencé à se retirer du pays et malgré le déploiement de forces de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC).

Comme tous les peuples, les Congolais ont droit à la paix et à la justice. Trop de sang congolais a été versé, mais l'escalade du conflit et l'effroyable situation des droits de l'homme restent largement oubliées, et la crise humanitaire qui en résulte est caractérisée par la négligence et le sous-financement de la communauté internationale, ce qui entraîne des souffrances humaines à grande échelle et une dépréciation inquiétante de la valeur de la vie humaine.

Les initiatives diplomatiques actuelles visant à apaiser les tensions et à trouver une solution politique au conflit (connues sous le nom de processus de Nairobi et de Luanda, sous les auspices de la Communauté de l'Afrique de l'Est et de l'Union africaine respectivement) sont dans l'impasse. La communauté des donateurs ne parvient pas à apporter une réponse efficace aux besoins humanitaires urgents des plus vulnérables.

Il est temps d'appeler à une action politique et diplomatique forte et à une coordination multilatérale, impliquant le secteur privé et la société civile, pour faire taire les armes et cesser de fermer les yeux sur la catastrophe humanitaire qui se déroule dans l'est de la RDC.

Nous appelons donc à la revitalisation de l'Accord-cadre d'Addis-Abeba pour la paix, la sécurité et la coopération, signé en 2013. Cet accord, qualifié d'Accord de l'espoir parce qu'il a été le premier à "s'attaquer aux causes profondes du conflit et à mettre fin aux cycles récurrents de violence" dans l'est de la RDC et dans la région des Grands Lacs africains, avec divers États et institutions comme co-garants, dont l'Union africaine, l'Union européenne, la Belgique, les États-Unis d'Amérique, la France et le Royaume-Uni et le soutien notamment des Nations unies, et la Banque mondiale, dans le cadre de la consolidation d'une stratégie pour la paix et le développement.

 Nous réitérons également notre appel à l'organisation d'un Sommet international pour la paix en RDC en 2025. L'objectif principal de ce sommet est de placer ce conflit oublié et cette crise négligée en tête de l'agenda de la communauté internationale en fournissant une plateforme de haut niveau pour le dialogue et l'échange de vues avec les acteurs étatiques et non étatiques afin de parvenir à une paix globale, juste et durable en RDC.

Les acteurs étatiques invités seront les chefs d'État et de gouvernement de la RDC et des pays membres de la CIRGL, notamment les signataires de l'accord-cadre d'Addis-Abeba, les représentants des gouvernements membres du Groupe de contact international pour la région des Grands Lacs, les représentants des pays des organisations et institutions garantes de l'accord-cadre (Envoyé spécial des Nations unies, Union africaine, Conférence internationale sur la région des Grands Lacs et Communauté de développement de l'Afrique australe), les représentants des programmes et agences des Nations unies, de la Banque mondiale et des bailleurs de fonds. En outre, compte tenu de la dimension économique du conflit, les acteurs du secteur privé et les entreprises actives dans le secteur minier seront également invités à faire partie de la solution.

 En effet, face à la croissance accélérée et spectaculaire de la demande en minerais essentiels à la transition énergétique, qui va exacerber les tensions géopolitiques et mettre la RDC sous une pression croissante pour fournir ses ressources stratégiques afin d'enrayer la crise climatique et de faire progresser la transition mondiale vers les énergies renouvelables, cette transition énergétique dite "verte" offre une opportunité unique de promouvoir la paix à travers l'approche "Business For Peace". Cette approche change le paradigme actuel d'une économie de guerre basée sur l'extraction et le commerce illégaux des minerais de conflit, en les transformant en un outil de coprospérité, de codéveloppement et de paix.

 Nous sommes convaincus que, grâce à l'approche "Business for Peace", les entreprises mondiales de haute technologie, dont certaines s'approvisionnent, directement ou indirectement, en minerais issus du pillage des ressources naturelles de la RDC, auraient tout intérêt à s'impliquer dans la promotion de la construction d'une paix durable en RDC, afin d'accéder directement à ces mêmes ressources, sans intermédiaire, de manière rentable, durable, sûre et éthique, sans se compromettre, sciemment ou non, avec l'exploitation criminelle des "minerais de sang".

En veillant à ce que leur chaîne d'approvisionnement soit propre et respectueuse des droits de l'homme, ces entreprises peuvent contribuer à mettre un terme au trafic criminel des ressources naturelles de la RDC, qui alimente des guerres sans fin et décime des millions d'hommes, de femmes et d'enfants. En promouvant un cadre mondial de traçabilité, de transparence et de responsabilité sociale, elles peuvent contribuer à faire progresser la justice, l'équité, le développement local et la paix durable.

Enfin, la RDC est devenue un obstacle au développement de l'Afrique subsaharienne. Le concept "Business for Peace" permettra aux pays de la CIRGL et aux autres pays africains de développer le commerce avec la RDC et les autres pays africains à travers la RDC, qui est aujourd'hui un obstacle au commerce transafricain en raison de l'insécurité persistante au centre de l'Afrique.

Les résultats attendus du sommet sont les suivants :

1. Exprimer la solidarité et le soutien à la population civile congolaise et lancer un appel urgent pour répondre aux besoins humanitaires des groupes vulnérables et des personnes déplacées.

2. Galvaniser la volonté politique nationale et internationale et créer une dynamique pour mettre fin à la violence en jetant les bases d'une paix durable, conformément au droit international, à la charte des Nations unies et aux engagements pris dans le cadre de l'accord-cadre d'Addis-Abeba.

3. Développer des partenariats gagnant-gagnant et donner aux entreprises de haute technologie, d'exploitation minière et de raffinage les moyens de promouvoir une exploitation minière et un commerce responsables en vue d'une transition énergétique juste et durable et de pratiques commerciales propices à la paix, au développement social et économique et à la protection des droits de l'homme et de l'environnement.

4. Encourager le gouvernement congolais à améliorer le climat des affaires, à promouvoir la bonne gouvernance et à mettre en œuvre des réformes institutionnelles et du secteur de la sécurité conformément aux accords-cadres d'Addis-Abeba.

Pour toutes ces raisons, nous joignons notre voix à celle de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) et de la Présidence de l'Eglise du Christ au Congo (ECC) pour nous approprier la feuille de route du " Pacte Social pour la Paix et le Bien Vivre Ensemble en RD Congo et dans les Grands Lacs ", et invitons tous les Congolais à s'approprier, à leur tour, cette initiative, car en cette année 2025 du Jubilé du Seigneur Jésus-Christ, " Notre priorité, c'est la paix " !

Denis Mukwege,

Prix Nobel de la Paix 2018

總結
La République démocratique du Congo (RDC) souffre d'une violence chronique et d'une crise humanitaire majeure, exacerbée par des guerres d'agression et des violations des droits de l'homme. Plus de 7 millions de personnes sont déplacées, et un quart de la population fait face à la faim. L'exploitation illégale des ressources naturelles par des pays voisins et des groupes criminels aggrave la situation. Les accords de paix précédents ont échoué à instaurer la justice, intégrant des éléments armés dans les forces de sécurité, ce qui a prolongé l'instabilité. La résurgence du groupe M23, soutenu par le Rwanda et l'Ouganda, menace la paix régionale. Les initiatives diplomatiques actuelles sont dans l'impasse, et la communauté internationale néglige la crise. Un appel est lancé pour revitaliser l'Accord-cadre d'Addis-Abeba et organiser un Sommet international pour la paix en 2025, visant à placer la crise congolaise au cœur des préoccupations mondiales. L'approche "Business for Peace" est proposée pour transformer l'économie de guerre en opportunités de paix, en impliquant le secteur privé dans la promotion de la paix et de la justice en RDC.