Des partisans du candidat d’opposition à la présidentielle vénézuélienne, Edmundo Gonzalez Urrutia, dans l’Etat de Mérida, le 26 juin 2024. Sur l’affiche : « No nos queremos ir de Venezuela » (« Nous ne voulons pas quitter le Venezuela »). GABY ORAA / REUTERS
Comment vit et vote un pays qui, en dix ans, a perdu le quart de sa population ? Dimanche 28 juillet, 21 millions d’électeurs vénézuéliens sont appelés aux urnes pour réélire le président sortant, Nicolas Maduro, candidat à un troisième mandat, ou porter au pouvoir Edmundo Gonzalez, candidat unitaire des grands partis d’opposition.
Selon les observateurs, entre 4 millions et 5 millions d’entre eux ne pourront pas voter, parce qu’ils ont émigré. Seuls 69 000 Vénézuliens de l’étranger ont pu s’inscrire sur les listes électorales ouvertes dans les consulats. Les instituts de sondage s’interrogent sur le poids de cette « abstention forcée ». Ils soulignent l’importance des migrants dans la dynamique électorale, alors que se joue dans les urnes le sort de la révolution bolivarienne déclenchée il y a un quart de siècle par Hugo Chavez (1999-2013) et celui de ses héritiers, les chavistes.
Ruben Sulbara, 73 ans, vit seul à Caracas, sans son épouse, qui, partie il y a deux ans rejoindre leur fille, travaille comme femme de ménage aux Etats-Unis. Il croit ce que dit Nicolas Maduro et que répètent les médias : il est convaincu que les sanctions décrétées par Washington sont la cause exclusive de la débâcle économique du pays, de l’émigration, qui a déchiré les familles, et de sa tristesse. Mais il admet que, si elles avaient pu voter, sa femme et sa fille, elles, auraient choisi Edmundo Gonzalez.
« Nous réunirons les familles », promet l’opposante Maria Corina Machado partout où elle passe. La foule exulte. Dans la ville de Maturin, dans l’est du pays, un enfant tient une pancarte : « Ramène-moi mes parents ».
Mme Machado, qui avait remporté les primaires de l’opposition, a été empêchée de se présenter elle-même à la présidentielle par la justice. Depuis plusieurs semaines, elle sillonne le pays pour faire élire Edmundo Gonzalez. Agé de 74 ans, celui-ci se déplace peu. « En faisant de la réunification familiale un thème central de sa campagne, Maria Corina Machado a tapé juste, note le militant des droits de l’homme Rafael Uzcategui. Dans un pays las des discours idéologiques, l’émotion est un moteur de mobilisation puissant. »
Absence de suivi statistique
« Toutes les familles vénézuéliennes, qu’elles soient riches, moins riches, pauvres, chavistes ou antichavistes, toutes sont touchées par l’émigration », relève le chercheur Ronal Rodriguez, de l’université du Rosaire, à Bogota, en Colombie.
Selon les organismes internationaux, qui incluent dans leurs statistiques les mineurs, ce sont au total plus de 7,7 millions de Vénézuéliens qui ont pris le chemin de l’exil. Un chiffre record pour un pays qui n’est pas en guerre, et d’ailleurs « probablement » sous-estimé, précise la Plate-forme régionale de coordination interorganisations pour les réfugiés et les migrants du Venezuela, qui le publie. Il situe le pays à la troisième place mondiale en matière d’émigration, derrière la Syrie et le Soudan.
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